Régis Mathieu est un esthète atypique de l’art décoratif. Orfèvre de la lustrerie, artiste de la lumière, il nourrit aussi une passion pour les voitures anciennes. Les deux univers se rejoignent : savoir-faire, beauté et dimension historique. Rencontre au cœur du Luberon.
Noblesse des matériaux, luxe, exigence, inspiration dans le passé et souci de la modernité : à travers les Ateliers Mathieu Lustrerie, au cœur du Luberon dans le Sud de la France, Régis Mathieu maîtrise à la perfection l’art de la lustrerie. « Le lustre porte la lumière de nos moments les plus heureux et nous accompagne tout au long de la journée », explique celui qui a hérité, en 1992, de l’entreprise familiale, à seulement 21 ans, après le décès de son père en 1982.
Alors que l’entreprise périclitait, et que les lustres semblaient passés de mode, Régis Mathieu a l’intuition que ces si beaux objets du passé ont rendez-vous avec l’avenir. Sous une nouvelle forme, en devenant « des produits de luxe, de plaisir, de positionnement social, et non pas pour éclairer ». Il développe un savoir-faire unique, où se mêlent les principes de l’orfèvrerie et de la joaillerie à ceux de la lustrerie, auprès des propriétaires, architectes et gestionnaires de monuments historiques. Au point de se rendre incontournable. Aujourd’hui, ses équipes, basées à Gargas, restaurent, rééditent et créent des lustres d’exception dans les lieux les plus prestigieux du monde.
Régis Mathieu Lustrerie : Préservation du patrimoine
La trentaine de compagnons, qu’il appelle affectueusement « l’équipe de faiseurs de miracles », redonnent tout leur éclat aux lustres du passé. Comme, tout récemment, la refabrication de 300 lustres classiques et de grandes lanternes de l’Hôtel de la Marine à Paris, et la création de luminaires contemporains, en quartz, dans la cour d’honneur. « C’est un an de travail, qui a mobilisé tous nos savoir-faire de création, de fabrication, de restauration, de restitution de pièces anciennes. J’ai inauguré, en juin 2021, la réouverture avec le président Emmanuel Macron. Cela a été une grande fierté ! », sourit, ému, le dirigeant, âgé de 49 ans.
La plupart des lustres des demeures historiques, des Musées et des palais ont souffert des assauts du temps et sont souvent incomplets. Il s’agit d’effectuer des recherches documentaires, en concertation avec les conservateurs et les propriétaires.
« Préserver le patrimoine et le savoir-faire n’est pas simplement un métier, c’est une responsabilité. Quand vous restaurez quelque chose, vous voulez savoir comment il a été fabriqué. La barre est très haute ! Les lustres d’antan étaient réalisés par des maîtres lustriers, à l’apogée de ces savoir-faire français dans l’artisanat d’art », illustre Régis Mathieu.
Les restaurations peuvent porter sur un simple nettoyage, comme une réélectrification à l’aide de kits de bougies et ampoules Évolution 5. L’opération est parfois plus complète, avec la refabrication des pièces en bronze, la redorure ou la fourniture de pampilles, qu’elles soient en cristal de roche, en verre solarisé comme au XVIIIe siècle ou en cristal plombé. Les compagnons sont capables de rééditer à l’identique des chefs-d’œuvre de l’histoire, fabriqués avec du bronze, de l’argent, de l’or ou des pierres semi-précieuses.
Récemment, l’équipe a reproduit à l’identique les lustres du salon Saint-Georges et de la salle Vladimir du Kremlin ! « Ce sont sept lustres gigantesques, que nous avons d’abord scannés, puis reconstitués en trois dimensions, pour les refabriquer ensuite avec les mêmes techniques qu’au XIXe siècle lors de leur création, chacun pesant plus de deux tonnes et huit mètres de haut », détaille Régis Mathieu.
D’autres très grands lustres monumentaux ont été restaurés ou refabriqués, comme ceux de l’Opéra de Paris, de l’Académie de Musique de Philadelphie, de l’Opéra de Monaco, de Notre-Dame-de-Paris ou encore du Théâtre Impérial du Château de Fontainebleau.
Créations contemporaines de Régis Mathieu Lustrerie
Autre activité, les créations contemporaines, qui s’imposent comme des sculptures de lumières, magnifient aussi des architectures contemporaines et font le bonheur des collectionneurs. Les matériaux se combinent avec élégance pour donner vie à des collections d’exception : bronze argenté et cristal de roche fumé (collection ‘Saturne’), bronze doré, citrines et agates (‘Bijoux’), inox et bougies (‘Bougies’).
Ces créations contemporaines adoptent des formes plus modernes, plus adaptées aux logements actuels. « Mes clients ont des appartements à New-York, et des chalets en montagne », explique Régis Mathieu. Les collections Régis Mathieu Lustrerie sont aussi achetées par de grandes maisons de luxe, pour leurs boutiques.
Côté innovation, l’atelier a créé l’ampoule Régis Mathieu Lustrerie « Évolution 5 », qui restitue la lumière d’une flamme de bougie en utilisant la technologie LED. L’ampoule ne consomme qu’1 watt et a une durée de vie très longue, « tout en restituant le halo, la couleur et la forme d’une flamme », précise-t-il. On peut la retrouver dans de nombreux monuments historiques : Château de Versailles, Opéra de Paris, Notre-Dame de Paris…
« Les objets d’éclairage des Ateliers Régis Mathieu Lustrerie ont une vraie individualité : chaque pièce est unique est numérotée. »
Régis Mathieu
« Le beau ne vaut que s’il est partagé »
À titre personnel, Régis Mathieu est aussi un collectionneur passionné. Une façon de parfaire ses connaissances, et de faire le lien avec l’activité de l’atelier. « J’ai créé une collection de près de 1.000 lustres de toutes époques, styles, matériaux et sources lumineuses confondus », confie ce papa d’une fille de 23 ans, travaillant dans des ateliers d’art (passementerie) et amenée à reprendre la société à terme, et d’un garçon de 18 ans, « qui a un côté très créatif ». Partant du principe que « le beau ne vaut que s’il est partagé », ce patrimoine exceptionnel, résultat de « 20 ans de collectionnite », va être présenté dans un nouvel espace d’exposition à Gargas, au sein des anciennes usines d’ocres, récemment acquises et en cours de restauration pour un montant total de 3,5 millions d’euros. Une passerelle entre une industrie locale passée, et l’activité de lustrerie actuelle.
L’ambition de Régis Mathieu Lustrerie : « Déclencher chez le public des émotions artistiques, expliquer les styles et les périodes, ouvrir l’entreprise. Si les entreprises sont fermées au plus grand nombre, comment voulez-vous que les gens soient fiers de nos savoir-faire ? », interroge-t-il.
L’ouverture de ce joyau, offrant une vue imprenable sur le Luberon, d’Apt à Cavaillon, a eu lieu pour Noël, en 2021, l’idée étant d’offrir un accès de la lustrerie au public « jour et nuit, 7 jours sur 7 ». Un parc sera aménagé. Environ 300 pièces sont à vendre sur la plateforme mathieulustrerie.com. Le site web n’est pas que marchand : on y trouve aussi les artistes qui l’ont inspiré tout au long de sa carrière, par leur créativité et leur audace.
Le Mathieu Museum : à la découverte de 5 siècles d’art décoratif
Cette envie de partager sa passion ne date pas d’hier. Dès 2010, Régis Mathieu a ouvert à Gargas (84) le Mathieu Museum. Cet espace de 1.000m2 retrace cinq siècles d’art décoratif, à travers plus de 200 luminaires. L’occasion de replonger dans des pans entiers de l’histoire.
N’oublions pas la symbolique forte du lustre, une œuvre proche du pouvoir des Rois, des Empereurs ou des Maharajas, du XVe siècle à aujourd’hui. L’esthète reçoit aussi, à la demande, des amateurs dans sa bibliothèque, où il a réuni au fil du temps des milliers de documents rares sur l’histoire de la lumière. Régis Mathieu possède ses propres galeries à New York, New Dehli et Moscou, ainsi qu’un atelier et une galerie à Paris. Il y propose quelques pièces de sa collection à la vente.
Régis Mathieu, dingue de voitures anciennes !
Régis Mathieu et les voitures anciennes : une (autre) histoire d’amour. « Le côté esthétique des voitures me plaisait, tout jeune ! » Très vite, il acquiert deux modèles culte, une Coccinelle (« j’aime son dessin intemporel et réussi, très contemporain dans les années 30, et encore à la mode aujourd’hui ») et une Porsche 356 Speedster. Viennent ensuite des Carrera RS, Bugatti, Bentley… « Ce qui m’intéresse, ce sont les voitures rares, qui se différencient par leur histoire et leur technique, et qui ne sont pas trop dans les projecteurs », décrypte-t-il. Le lien avec les lustres ? « Comme eux, les voitures sont des livres d’histoire. Ces objets ont tant de choses à raconter! »
Régis Mathieu détient aujourd’hui 30 voitures anciennes, « de la très belle automobile », qu’il fait rouler sur les routes de Provence. Ces modèles de voitures iconiques ont même été disposés sous les lustres du musée, pour l’exposition « Lumières sur Bugatti » (du 14 décembre 2012 au 13 janvier 2013). « Je me suis fait prêter des Bugatti par des musées et des copains.
Ces milliers de bougies, ces miroirs partout, ces voitures superbes… Quand l’heure venait d’éteindre, je n’arrivais pas à partir ! », rembobine-t- il. L’exposition a attiré 10.000 visiteurs et a fait l’objet de reportages sur les chaînes télé nationales. Régis Mathieu s’est ensuite lancé dans l’exposition « Porsche, chefs-d’œuvre de la collection Régis Mathieu », au sein de la Cité de l’Automobile de Mulhouse, du 12 juillet au 15 octobre 2018, à l’occasion des 70 ans des modèles d’exception de la marque de Stuttgart.
Repères
mathieulustrerie.com
Mathieu Museum – Hameau des Sauvans 84400 Gargas
Galerie Régies Mathieu – 2 rue de Miromesnil 75008 Paris
Photos : ©Lustrerie Mathieu & Mathieu Museum