À l’entrée de Cannes, l’Université du Cinéma, dédié au 7e art, s’élance avec fierté depuis juin 2021. Dessiné par l’architecte Christophe Gulizzi, cet édifice aux lignes sobres s’ancre au cœur du technopôle Bastide Rouge, dédié à l’image et aux industries créatives. L’ouvrage d’art est d’une complexité technique inédite, qui a pu voir le jour grâce à une somme de compétences.
On ne peut pas rater l’Université du Cinéma de Cannes, œuvre de l’architecte Christophe Gulizzi, inaugurée en octobre 2021 et porteuse « d’émotion, de plaisir, de civilité », selon l’intéressé. Accueillant 1.000 étudiants, l’université propose 35 formations du niveau Bac à Bac + 8, majoritairement dédiées aux métiers de l’écriture et de l’image.
« C’est un lieu de labeur, de culture, de rencontre et de plaisir, autour des métiers du cinéma. Un lieu de synergie entre l’enseignement, la recherche et la créativité innovantes», détaille Christophe Gulizzi.
Inscrite dans le programme “Cannes on Air”, l’Université du Cinéma s’insère dans le site Bastide Rouge, qui a pour objectif de développer la filière de l’économie créative sur le bassin cannois en dotant le territoire de tous les maillons de la chaîne de conception de contenus audiovisuels.
D’une superficie de 4 ha, il se compose du Cineum, un cinéma multiplexe de 2.400 places, conçu par Rudy Ricciotti et ouvert en août 2021, d’une résidence étudiante de 172 appartements en cours de construction (ouverture prévue à la rentrée 2022), et de l’Université du Cinéma, qui a donc ouvert le bal.
Cette Université met à disposition des étudiants 21 salles de cours, 2 amphithéâtres, 5 salles informatiques… (détail en rubrique ‘Repères’). Recherche, création et enseignement se mêlent dans ce campus, abritant l’Université et une cité des entreprises.
« Les étudiants viennent se former directement au contact des entrepreneurs, aux métiers de l’écriture, de l’image et du son », se félicite Christophe Gulizzi. Des parties communes, des espaces dédiés et des points de rencontre créent ce pont entre le monde de l’université et celui des entreprises. 13 entreprises et start-up du domaine de l’audiovisuel bénéficie aujourd’hui d’un accompagnement au développement économique de l’Agglomération Cannes Lérins.
Complicité entre le cinéaste et l’architecte
Pureté, sobriété des lignes, minéralité saisissante – l’architecte est adepte du béton et le revendique – sur une hauteur de 19 mètres… Cette narration architecturale, caractéristique de l’œuvre de Christophe Gulizzi, agit comme un signal urbain.
L’Université du Cinéma de Cannes fait en effet office de nouvelle entrée Ouest de la ville, depuis l’aéroport de Cannes-Mandelieu. « Nous avons dessiné le vide autour et dans le bâtiment, afin d’offrir une extension spatiale et visuelle de l’espace public attenant, explique-t-il. Ni insulaire, ni nombriliste, c’est une main tendue, un signal urbain de bienvenue dans la ville. Un projet au service d’une vision globale d’aménagement présent et futur, en la dotant de composantes urbaines et paysagères structurantes fortes. »
Des plans séquences de grands films du cinéma s’enchaînent avec bonheur. « De Fritz Lang à Éric Rohmer, j’ai voulu créer une forte complicité entre le cinéaste et l’architecte ». On peut identifier, entre autres, La leçon de piano (Jane Campion, 1993) dans les poutres constituant les façades qui rappellent les touches de l’instrument, Le voyage dans la lune (Georges Méliès, 1902) avec le plafond en béton perforé, ou encore Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock, 1954) avec l’ouverture sur le patio extérieur.
En effet, depuis l’intérieur, la lumière naturelle est mise en scène et inonde le bâtiment depuis le jardin intérieur. « Le cœur du projet s’articule autour d’un patio, un jardin des sens, une cascade végétale et une fenêtre sur cour ».
L’agence de Christophe Gulizzi a remporté ce projet lors d’un concours d’architecture, lancé en 2017. Sur une quarantaine de postulants de toute l’Europe, le cabinet a su se démarquer. Ce qui a fait la différence ? « La clarté et la justesse de notre réponse tant sur un plan urbain que fonctionnel. La générosité spatiale, la lumière naturelle qui inonde le bâtiment et enfin nos propositions peu académiques sur certaines proportions de salle, perçu par Frédérique Vidal, devenue Ministre de l’enseignement supérieur, comme une offre innovante d’enseignement.
Cette réalisation conforte le travail de l’agence dans sa capacité de production et de maîtrise de réalisation pour des projets au-delà de 20 M€ », résume Christophe Gulizzi.
Plafond en béton « absorbant » pour l’Université du Cinéma de Cannes
Parmi les innovations constructives, le plafond en béton absorbant du hall. « Porte d’entrée du bâtiment, le hall devait être à son image ! » Pour limiter les effets d’écho dans le hall, et éviter « un désastreux ‘effet cathédrale’ », une dalle acoustique a été positionnée.
Avec un défi à relever : parvenir à faire de l’absorption acoustique avec du béton, « ce qui est antinomique au premier abord ». Est ainsi né, de l’étroite collaboration entre l’architecte, le bureau d’études structure et l’acousticien, un plafond en béton perforé, « chose qui n’avait jamais été fait auparavant ».
Compte tenu de l’épaisseur de 7 cm du parement inférieur du BFUP, nécessaire à sa tenue mécanique, des trous de diamètre 5 et 10cm ont été retenus, avec un taux de perforation de l’ordre de 30 %. Le parement en BFUP a été coffré sur site. Les quelque 29000 trous ont été réalisés… au moyen de pots de popcorn vissés aux panneaux de coffrages !
La cavité entre le parement inférieur et la dalle support supérieure est remplie de laine minérale, avec interposition d’un voile de verre noir en sous-face, dont la résistance spécifique à l’air a été testée en laboratoire pour le projet. Le béton fibré est suspendu à la dalle structurelle.
Au dernier étage, au-dessus de l’entrée principale, un pont relie les ailes latérales par un franchissement de 17 mètres. Le corps central de la passerelle sert d’espace de stockage alors que l’administration occupe les bureaux en périphéries. Cet élément participe à alléger l’allure du bâtiment..
Une première collaboration réussie entre Difral et Profils Systèmes
« Des dimensions de profilés aluminium hors norme, avec des prises de vitrage conséquentes et l’intégration de stores vénitiens électriques » : Bruno Marsili se souviendra (en bien) de l’intervention de Difral, menuiserie aluminium dont il est DG associé, sur le chantier de l’Université du Cinéma, entre octobre 2019 et décembre 2020.
« L’architecte nous a demandé si nous voulions travailler avec Profils Systèmes pour ce projet. Je connais le sérieux et la compétence d’Aymeric Reinert, DG de Profils Systèmes, pour avoir travaillé avec lui chez Alcan Systems il y a environ 25 ans », confie-t-il.
Pour l’Université du Cinéma, Difral et Profils Systèmes ont créé des menuiseries aluminium spécifiques. Les profilés ont passé différents tests (eau, air, vent) sur les bancs d’essai de Profils Systèmes, en présence du bureau de contrôle, du client et de l’architecte.
« Après avoir obtenu ces agréments, nous avons réalisé une maquette in situ, afin d’analyser l’environnement de mise en œuvre, car le bâtiment a une architecture particulière », explique le patron de cette PME (de menuiserie aluminium et vitrage) basée à Carros, qui emploie 25 salariés pour un chiffre d’affaires 2021 de 6,2 M€. Le bureau d’étude Difral compte 4 personnes, dont 2 travaillant en BIM (ce qui était le cas pour ce chantier, selon les souhaits du maître d’ouvrage).
Une fois la maquette validée, la production des profilés a débuté dans l’usine de Profils Systèmes, dotée de deux presses à filer et basée à Baillargues, dans l’Hérault. « Nous avons ainsi pu suivre la production, ce qui est un avantage.
Bien souvent, les gammistes font filer leurs profilés en dehors de France, ou les usines qui le font ne leur appartiennent pas.
Menuiseries aluminium montées à l’intérieur de l’Université du Cinéma de Cannes
Du fait de leurs grandes dimensions, les châssis ont été assemblés in situ, à l’intérieur du bâtiment, avant d’être posés. Une particularité : « Normalement, les châssis sont usinés et montés en usine, et ils sont ensuite envoyés prêt à poser.
Pour ce chantier, et du fait des dimensions hors normes et d’un environnement exigu, nous avons dû faire l’assemblage des châssis sur le chantier. Nous avons donc déployé une partie de nos équipes de fabricants sur place, en y installant un atelier de montage à l’intérieur du bâtiment. »
Autre singularité : les grands murs rideaux en aluminium des patios et entrées, avec des inerties très importantes (2.718.3cm4), pour une hauteur de 8,7 mètres.
Ce chantier a permis de concrétiser « une première fabrication avec Profils Systèmes, poursuit-il. Depuis, nous continuons d’échanger commercialement avec eux.
Profils Systèmes se distingue par sa réactivité, son bureau d’étude, sa capacité en termes d’essais et de créations spéciales. Nous avons besoin de ce type de partenaire, car nous sommes souvent sur des délais très courts… avec des exigences de créativité toujours plus importantes ! »
Les profilés de Profils Systèmes ont en outre permis « de répondre aux besoins thermiques et acoustiques » de l’Université du Cinéma. Ils s’intègrent enfin au design recherché par l’architecte, « épuré et rectiligne ».
Du cinéma au sport… L’agence Christophe Gulizzi a remporté un autre projet d’envergure, pour les jeux paralympiques Paris 2024, avec le projet PRISME (Pôle de référence Inclusif Sportif Métropolitain), unique en Europe et troisième dans le monde. Il sera un équipement majeur de l’héritage olympique.
REPÈRES
Maîtres d’ouvrage : Ville de Cannes (campus universitaire), Agglomération de Cannes Lérins (cité des entreprises).
Architecte : Christophe Gulizzi
Fabricant – installateur : Difral
Crédits photos : Stéphane Aboudaram – We are Contents / Lisa Ricciotti / Juan Jerez