Maxime Lhermet, artiste contemporain

Maxime Lhermet, l’art et la matière…

Les capots de voiture s’alignent le long des murs de l’atelier. Mais ici, point d’égratignure ni de carrossier. Ces capots-ci se dissimulent sous des couches de peinture vive, racontant des histoires pop et de super héros, des histoires bien dans la culture de ce tout juste quarantenaire, artiste sétois ayant puisé dans l’inconscient des années 70 pour se créer une identité du XXIe siècle. « Les bandes dessinées, les super-héros, le pop art, c’est ma culture, ma génération », convient-il. Vous venez de pénétrer dans l’univers de Maxime Lhermet.

Élevé à Sète par des parents friands d’art, Maxime Lhermet a usé ses fonds de culotte dans les ventes aux enchères, quand d’autres pêchaient le gobi le long du canal royal. Entouré d’éminents artistes sétois, tels Pierre François, l’un des chefs de file de la Figuration libre, il a d’abord fait des études, un bac S puis du droit, avant de s’inscrire aux Beaux Arts de Sète, pour ajouter une ligne à la litanie des brillants artistes de l’Ile singulière. Passé par l’art abstrait et l’expressionnisme, Maxime Lhermet trace son propre sillon depuis une dizaine d’années, sillon dont le maître mot est la matière.

L’histoire d’amour avec les capots de voiture n’est pas lié à une passion débordante pour le sport mécanique. Non, comme souvent avec Maxime Lhermet, le hasard de l’existence en a mis un sur sa route, et il s’est dit que cela pouvait constituer un excellent support. « Dans mon travail c’est l’objet qui déclenche l’œuvre », note-t-il.

Dans son salon, un capot de Mégane. Dans son atelier, cinq autres en cours de réalisation. Il peut en réaliser jusqu’à trois par mois. Le premier, donc, ce fut un capot de Mini Cooper, voiture rattachée à l’univers pop et rock qu’il affectionne. Dessus, Maxime Lhermet s’est employé à dépeindre les symboles rattachés à la fameuse voiture anglaise, notamment un exemplaire au capot orné de l’Union Jack, comme un clin d’oeil à son propre travail. Puis rapidement, les capots n’ont plus parlé de voiture. Recouverts d’un film plastique en peau de crocodile fabriqué par l’entreprise frontignanaise Hexis, ces pans d’aluminium reçoivent les couleurs chaudes de Maxime Lhermet, ou des impressions qu’il colle avant de les unifier au support grâce à ses pinceaux. Chacun raconte une histoire propre. « Je suis un collectionneur d’images, je passe des heures sur Google avant de trouver celle qui va déclencher une histoire ». Et donc une œuvre. L’un en cours, reprend le crocodile d’un artiste ami, Richard Orlansky, imprimé et appliqué au capot. Un autre s’intéresse à Joker, clown inquiétant. La pièce centrale de ce capot n’est autre que l’impression d’un crâne en résine consacré au même personnage. Un troisième, au centre de l’atelier, conte l’histoire des Rolling Stones.

L’art en lien avec le monde automobile

Avec quelques amis artistes, il a fondé l’an dernier un collectif baptisé Scuderi-art, à la suite d’une exposition dédiée à la célèbre voiture rouge italienne, dans une concession Ferrari à Lyon, et ce grâce à l’entremise d’un ami joaillier installé à Megève. Ce collectif entreprend de détourner des objets, et de produire de l’art en lien avec le monde automobile. A partir du moulage d’un crâne de l’un d’eux, Maxime Lhermet conçoit des casques de pilote, toujours baignés d’un univers pop mêlé d’art de rue. Maxime Lhermet : « Au sein du collectif, nous détournons des objets, comme les capots ou les crânes, pour en faire autre chose. Le capot devient un tableau que l’on peut accrocher au mur, il raconte une histoire qui lui est propre, sans lien avec son état d’origine. Le crâne, peint, s’apparente à un casque et porte le danger, l’ombre de la mort d’un pilote ou d’un super-héros. » Ainsi, il a consacré l’un d’entre eux à Jean-Michel Basquiat, peintre génial ayant grandi dans l’entourage d’Andy Warhol, dieu du pop art, avant de mourir trop jeune.

Pour Maxime Lhermet, ces histoires et ces images sont des occasions de travailler la matière, cœur de son art. Un virage pris définitivement à l’occasion d’une désillusion artistique. C’était il y a une quinzaine d’années. L’artiste se rend à Santa Monica, aux Etats-Unis pour une exposition. Il tape dans l’oeil d’un galeriste qui décide de lui acheter le tableau exposé. « Il m’a proposé 5 000 $ pour une toile que j’aurais vendu à peine 2 000 Frs ! », se rappelle-t-il. Le galeriste ne s’arrête pas là, lui passe des commandes, une vingtaine de tableaux. L’artiste sétois y voit une opportunité à ne pas manquer. Las, le galeriste décède au moment de la livraison, et les héritiers ne veulent plus entendre parler du moindre tableau. « J’étais sur le point de livrer les derniers, et d’un coup il a fallu que je vienne récupérer toutes les toiles, et je n’ai rien touché ! ». Il rentre en France, plein de dépit. « J’ai pris un drapeau américain et je l’ai brûlé. Mais cet échec m’a donné une idée. » Un de ses clients souhaite qu’il réalise pour lui un drapeau. Ce sera celui des Etats-Unis. Il prend de la matière plastique, qu’il brûle et accumule afin de créer un effet de matière. Au chalumeau, il crée un motif de trou striant la surface de l’oeuvre ainsi créée. Un acte fondateur, puisqu’il va conserver cette technique jusqu’à aujourd’hui. « Je me plais désormais à imprimer des œuvres réalisées ainsi, avant de les coller sur les capots. Au départ, c’était difficile, mais maintenant je prends plaisir à retravailler des œuvres qui ont plusieurs années. »

Les capots lui ont donné l’idée de détourner les objets

Au-dessus des tôles de voiture, dans son atelier, des bustes de pin up, attendant d’être ornés. Sur le pas de la porte, un Ronald MacDonald gigantesque qu’il compte apparenter à son antipode, Joker. « La forme de la bouche et du menton est la même. » De retour à l’intérieur, une gueule ouverte de requin attend son heure.

Sur l’un des pans de mur, les pots de peinture vides s’entassent pour former une pyramide de fête foraine. Sous cette muraille protectrice, l’une des dernières créations de Maxime Lhermet : une bonbonne de gaz, affublée d’une hélice et au nez grimé d’une gueule de requin menaçante. La torpille ainsi créée est ornée du logo de Panerai, marque de montre italienne. Au bout du nez, une montre factice. « Après le succès de l’exposition Ferrari, mon ami joaillier a pris l’initiative de cette commande pour présenter un modèle de Panerai dans sa boutique de Megève. Cette montre équipait les premiers kamikazes connus. Soldats au sein de l’armée italienne, ils étaient lancés sur les torpilles et connaissaient un destin tragique. » Entre le bout de la torpille et l’hélice, Maxime Lhermet est parvenu à reconstitué le mécanisme de la montre. Un objet détourné, racontant une histoire, en utilisant des matériaux peu communs dans la peinture. Une synthèse, à date, des meilleurs morceaux de l’art du peintre sétois.

Maxime LHERMET
Exposition permanente chez AD Galerie
Allée Albert Giaccometti – 34000 Montpellier

Photos : Richard Sprang