Pour l’immeuble tertiaire PGB 123 à Nîmes, l’architecte varois Rudy Ricciotti a opté pour un parti pris esthétique signifiant. La façade de verre sérigraphié fait référence à la célèbre toile Denim, support des premiers jeans. Un défi constructif relevé avec brio.
PGB 123 doté d’un original mur-rideau aluminium
140 mètres de long de verre sérigraphié, où s’affichent des piles de jeans. C’est l’originalité constructive et esthétique de la façade nord du programme tertiaire nîmois PGB 123 (10.000 m2), réalisé par les promoteurs STS et Holding Tissot. Ce clin d’oeil à la toile Denim (« de Nîmes »), support des premiers jeans, est adressé par l’architecte varois Rudy Ricciotti, de renommée internationale.
« La façade agit ici comme un signal, avec une attention sensible portée au patrimoine, enjeu majeur d’une époque en perte de mémoire », affirme le Grand Prix national d’architecture 2006.
Le parti-pris esthétique est clairement assumé. « Faire le choix de la beauté est considéré comme un engagement, une résistance. Je me bats contre la faillite de l’esthétique. Il est primordial de rétablir une narration afin de refuser l’inexorable exil de la beauté. » Avant de lancer, volontiers provocateur : « Si je n’ai pas de définition de la beauté, je sais ce qu’est la laideur. Se battre contre l’enlaidissement des villes, des paysages, c’est aussi une manière d’être patriote, non ? »
Cette immense et élégante façade vitrée s’étire tel un étendard, le long du boulevard Salvador Allende, un axe de visibilité et d’accès majeur des parcs Georges Besse I et II, au sud de Nîmes. Le volume bâti se présente sous la forme d’un parallélépipède simple venant accrocher les diverses perspectives urbaines, en offrant une large façade monoplane. Il est imaginé pour prolonger l’alignement existant, en s’appuyant sur les perspectives lancées par L’Arche Bötti, voisine.
L’ensemble du bâtiment se détache du sol, reposant au-dessus du parc de stationnement sur des pilotis.
Plusieurs services du Département du Gard regroupés
350 agents du Département du Gard ont investi ce lieu ouvert aux usagers. Y sont regroupés les services sociaux et ceux des collèges, de la culture et des sports. « Au lieu de multiplier les locations éparses coûteuses en frais de fonctionnement, le Département a choisi d’investir dans un lieu unique, précise Denis Bouad, président de la collectivité. Cette stratégie patrimoniale a permis de se séparer de bâtiments ne répondant plus à ses besoins ou aux compétences transférées. Tout centraliser au même endroit est aussi une source d’économies. »
Les plateaux de bureaux se répartissent « de manière ordonnée sur façades béton ou les modules de baie, dimensionnés rigoureusement à la manière de fines coutures, complète Rudy Ricciotti. De telle sorte que les niveaux disparaissent et ne laissent entrevoir qu’un ensemble uni. »
PGB 123 était un défi constructif à relever
SAM Bâtiment a réalisé ce mur rideau VEC de Profils Systèmes avec la série Tanagra®. De très grande portée, il est suspendu. « La façade ne rentrait pas dans l’évaluation technique européenne effectuée par Profils Systèmes en avril 2015, du fait de ses dimensions et du poids des volumes à mettre en oeuvre », raconte Christophe Aventin, directeur de projets chez SAM Bâtiment.
Il a fallu faire un ATEx (appréciation technique d’expérimentation) spécifique à ce projet pour obtenir l’agrément du bureau de contrôle. Le dossier, constitué de plusieurs centaines de pages, a été très long à monter, avec plusieurs déplacements à Paris pour le présenter au CSTB. Tout a dû être justifié, pour cet ouvrage situé en zone sismique : détails de conception et de mise en oeuvre, notes de calcul de résistance mécanique des profils, des attaches et des charges de vitrage, compatibilité entre les matériaux au niveau du collage des verres et des cales d’assises EPDM avec le film PVB du feuilleté, ou encore la non-montée en température des vitrages selon leur exposition… « Au bureau d’études, sept collaborateurs ont géré ce dossier ! Ils transpiraient quand je leur donnais des calculs à effectuer », plaisante Christophe Aventin.
La structure a été posée de janvier à mars 2019, « alors que notre ATEx était en instruction par Pierre Martin, le ‘pape’ de la façade au CSTB, les vitrages étaient à l’impression chez AGC !»
Parmi les « frayeurs » solutionnées, les pattes de support des vitres. « Les vitrages sont très lourds et très épais. Profils Systèmes a donc créé une nouvelle filière de cadre VEC, et a réinventé des pièces spécifiques de support de vitrages, permettant de ramener le déport des charges dans la géométrie de la façade.
Profils Systèmes a été un vrai partenaire technique pour monter cet ATEx, avec des rôles bien définis : nous pour les calculs et la pose, eux pour la conception de la gamme et du mur-rideau. Sans leur souplesse technique, cela aurait été compliqué. Ils ont l’expérience, la souplesse et l’ouverture d’esprit d’une entreprise à taille humaine. Ce que l’on ne vit pas avec d’autres fabricants, qui souvent gèrent tout, tous seuls, sans se préoccuper de nos contraintes de planning. »
La relation de confiance établie avec Aymeric Reinert, directeur général de Profils Systèmes, a eu des incidences positives sur le cours du chantier. « Nous n’avons pas attendu la validation de l’ATEx pour commencer la pose. Nous savions qu’avec Profils Systèmes, il n’y aurait pas de souci.
Leur mur-rideau aluminium Tanagra ® est le plus performant du marché, contemporain, esthétique. Il plaît énormément aux architectes. Techniquement, il est à la fois facile à fabriquer et à mettre en oeuvre. Son étanchéité est parfaite. Les poseurs le revendiquent ! »
En phase chantier, pour tenir des délais très serrés, SAM Bâtiment a fait appel à deux miroitiers, « pour avoir deux fois plus de cadres VEC livrés, et ainsi alimenter le chantier en double ». Les vitrages imprimés par AGC ont été envoyés aux miroitiers Maccario et Diffuver, qui ont procédé à l’assemblage et au collage sur cadre. Les ensembles ont été agrafés et vissés sur place par les équipes de pose de SAM Bâtiment.
Côté fabrication et pose de menuiseries (spécifications ci- contre, encadré « Fiche technique »), Pascal Menuiserie a lui aussi mis les bouchées doubles : 900 châssis de 2,7 mètres de larges et 50 cm de hauteur, ainsi qu’une quinzaine d’ensembles vitrés (10 mètres de large et 3 mètres de haut) qui constituent les patios. « On a mis une ligne de production exprès pour respecter les délais. C’est une expérience qui reste !, relève Laurent Pascal, alors gérant.
Nous avons dû travailler vite, entre début décembre 2018 et fin mars 2019. L’approvisionnement s’est fait sur plusieurs niveaux, avec des palettes et des chariots élévateurs. »
Principale difficulté technique de son côté : beaucoup de châssis avec des clairs de vue assez faibles, ce qui a nécessité de modifier les profils.
«Le bureau d’études de Profils Systèmes a vite compris ce que nous souhaitions. Ils ont été réactifs, le prototype a été accepté du premier coup ». La meilleure des reconnaissances pour ce travail d’équipe : aujourd’hui, le bâtiment s’est imposé dans le paysage pourtant millénaire de la Rome française.
» Le rythme était intense sur le chantier, mais l’ambiance excellente. C’est agréable de travailler avec la famille Tissot. Ils exigent certes un respect strict des délais. Mais ils comprennent les difficultés, sont toujours à l’écoute et s’impliquent dans la résolution des problèmes. »
Laurent Pascal – Pascal Menuiserie
La fine élaboration du verre sérigraphié
Un travail d’orfèvre et une communication continue entre Rudy Ricciotti, Profils Systèmes, le fabricant allemand AGC, l’infographiste Nathalie Mari et SAM Bâtiment. Pour répartir un lot de 9 images sur la façade en verre sérigraphié, SAM Bâtiment a fourni à l’infographiste des cadres dimensionnés au millimètre.
Celle-ci a adapté les photos dans ces segments. « Les vitrages ne se touchant pas, les photos devaient être détourées, sans que cela ne se voie sur le rendu final.
Notre mission a consisté à faire correspondre les images de jeans aux dimensions des vitrages. Or, les dimensions diffèrent, en fonction de la hauteur entre étages, des ouvrants pompiers, des portes… 112 fichiers graphiques ont été envoyés à AGC », explique Christophe Aventin (SAM Bâtiment).
Rudy Ricciotti a arbitré le choix définitif des couleurs. Les verres sérigraphiés ont été imprimés en Allemagne. « Techniquement, c’était très pointu et motivant, résume Christophe Aventin. Gérer des images en impression sur du verre n’est pas notre cœur de métier. Nous travaillons sur PC et AutoCAD, l’infographiste sur Mac avec Photoshop ou Illustrator. Deux mondes parallèles ! Il a fallu créer des passerelles pour se comprendre techniquement. »
Autre écueil à résoudre : en Allemagne, où les verres ont été imprimés, « personne ne parlait français, uniquement anglais. Nous avons dû nous adapter au vocabulaire technique d’AGC qui nous demandait des informations telles que la répartition en pourcentage des couleurs RVB (rouge, vert, bleu) l’écartement du tracé des polygones afin que le vitrage reste transparent depuis l’intérieur…
Nous avons dû faire imprimer une trentaine d’échantillons sur des films plastiques type rhodoïd.
Puis, après arbitrage par Rudy Ricciotti, nous avons fait imprimer une dizaine d’échantillons sur verre ». Pour incruster les images, une grosse imprimante a déposé à plat des émaux en poudre sur un vitrage extra clair qui a ensuite été trempé au four. La couleur finale n’apparaissant qu’à la sortie du four.
Le résultat est au rendez-vous. La façade du PGB 123 brille de multiples nuances de bleu. Combinaison heureuse entre l’inspiration méditerranéenne de Rudy Ricciotti, l’histoire de la toile Denim, un sans-faute chez SAM Bâtiment et ses fournisseurs, l’infographiste et Profils Systèmes, et une parfaite impression en quadrichromie en Allemagne.
Repères
Maître d’ouvrage : SNC PGB 123 – STS Promotion & Holding Tissot
Architecte : Rudy Ricciotti
Maîtrise d’oeuvre : Agence Tissot Coordination
Fabrication et pose de la façade Tanagra® : SAM Bâtiment
Fabrication et pose des fenêtres Cuzco® et Satin Moon® : Pascal Menuiseries