Euclyde Data Centers a implanté son unité lyonnaise dans une ancienne imprimerie de Villeurbanne. Un mariage réussi dans un projet de reconversion qui oscille entre style Eiffel d’époque, incarnée par la structure métallique conservée, et interventions contemporaines liées au projet de réaménagement pour les besoins d’un nouvel usage : la protection des données.
« Je veux que les visiteurs aient l’impression d’entrer dans une prison ! » c’est le drôle de cahier des charges que reçoit l’architecte Thibaut Chanut (Dank Architectes), de la part de son client Magdi Houry, président et fondateur d’Euclyde Data Centers (Sophia Antipolis, Antibes), pour la reconversion d’une ancienne imprimerie de Villeurbanne en data center.
L’activité d’Euclyde, spécialisée dans le stockage de données de grands comptes, acteurs publics, ETI et PME, explique ce choix d’austérité. « Il fallait que se dégagent une impression de protection pour les clients, une image technologique et de surveillance, quelque chose d’industriel, froid et monochrome, contrairement aux projets plus classiques d’aménagement de bureaux, où un traitement chaleureux et accueillant est habituellement de rigueur », détaille Thibaut Chanut. Des couleurs et des matériaux neutres et froids accueillent le visiteur. Seul le jaune du mobilier rappelle, en forme de clin d’oeil, le logo d’Euclyde.
Préservation du passé industriel de Lyon
Passé ce premier abord frisquet, l’esthétique particulière du lieu prend vite le dessus. La structure métallique poteaux- poutres, de type Eiffel, « très belle et remarquable », selon l’architecte, ce volume ouvert de l’immense halle, et les toitures successives, présentant des parties vitrées orientées plein nord (garantie d’une lumière homogène, toute la journée) ont été rénovées avec succès. En façade, les profilés aluminium des murs-rideaux Tanagra® et les portes Cuzco® arborent un ton anthracite. Pour les sheds, les profilés adoptent un blanc velours de la gamme de couleurs sablées et granités Terra Cigala®. Les poteaux, les poutres, les quatre murs d’enceinte et la toiture, ont tous été préservés et rénovés. Comme autant d’évocations de l’histoire industrielle de ce bâtiment, implanté dans un coeur d’îlot, à deux pas du centre-ville de Lyon.
A l’intérieur, plusieurs volumes sont disposés sous la toiture, chacun d’une hauteur différente, dans un esprit ‘boîtes dans la boîte’. Des panneaux de bardage gris, en Viroc, confèrent à présent un aspect brut et industriel, faisant écho au crénelage de la toiture. L’agencement de ces panneaux crée « comme un petit centre-ville, avec un esprit soigné de ruelles », souligne Thibaut Chanut. « Le bâtiment avait un gros potentiel, mais était délabré. Nous avons repris les châssis vitrés, les sheds et les profilés aluminium », observe Thibaut Chanut. « J’ai trouvé intéressant le potentiel de cette ancienne usine, mais c’était une ruine !, sourit Magdi Houry. J’ai eu envie de conserver sa dimension historique, avec ses toitures faisant pénétrer la lumière dans les ateliers… »
Une implantation stratégique pour Euclyde
Un data center dans une ancienne imprimerie : un pont symbolique jeté entre le passé industriel lyonnais et une activité iconique du 21è siècle (la sauvegarde et le stockage des données). Un pont sur lequel Euclyde entend faire vivre ses valeurs et sa stratégie.
« Ce data center prend le contre-pied de ses homologues, souvent aseptisés, avec des machines des serveurs qui ronronnent. Ici, on a réussi à faire quelque chose de beau, il a une place à part », précise Magdi Houry. Par ailleurs, la localisation s’avère stratégique, pour capter des clients de la puissante région Auvergne Rhône-Alpes. « Nous étions absents de Lyon. Or, quand vous regardez la carte de France, en termes de géographie et de flux économiques, vous constatez que beaucoup d’énergies convergent à Lyon. Il nous fallait un point de chute dans cette métropole, capitale de région. »
Après trois ans de prospection (« en filigrane, quand on avait le temps »), le site de Villeurbanne est découvert « par hasard ». Outre sa dimension architecturale, il répond aux besoins de puissance électrique installée. « Un data center d’Euclyde comprend environ 250 armoires, chaque armoire contenant 50 serveurs », confie-t-il à Signature.
« Notre data center de Villerbanne prend place dans un ancien site industriel. Cet héritage architectural de valeur a été conservé. Avec un message lié : ce n’est pas parce qu’une activité est industrielle que le bâtiment doit être moche ! »
Magdi Houry, Euclyde
Les enjeux, actuels et futurs, pour un data center ? « La sécurité, la fiabilité, la résilience, la puissance, la capacité d’accompagnement, 24h / 24 et 7 jours / 7, résume le dirigeant. La donnée devient de plus en plus importante. On doit pouvoir dépanner nos clients dans des temps très courts.
Imaginez un site de e-commerce : s’il se met à ramer, les gens vont acheter ailleurs. Ils ne vont pas attendre que la page s’affiche ! Ou un CHU peut avoir urgemment besoin des données d’un patient, lors d’une opération. Nous ne gérons pas que des données passives. » Le data center de Villeurbanne compte à ce jour une salle informatique. Deux autres devraient être aménagées bientôt, puis peut-être une 4e, dans un 2e bâtiment, en face, déjà acquis par Euclyde.
Magdi Houry, entrepreneur à répétition
« Un entrepreneur à répétition ». C’est ainsi que se définit Magdi Houry, 66 ans, créateur, en 2004, d’Euclyde, à Sophia- Antipolis. Un parcours atypique, aussi. Après une formation scientifique (Math Sup / Math Spé), puis une licence en gestion des affaires, il est diplômé d’architecture (École spéciale d’architecture de Paris).
« Mais je n’ai presque pas exercé comme architecte », prévient-il tout de suite. Des réflexes sont cependant restés. « C’est agréable d’avoir un client comme Magdi Houry. Il comprenait mes intentions », se félicite Thibaut Chanut (Dank Architectes). La PME exploite à ce jour 7data centers en France, à Besançon, Villeurbanne, Aix-en-Provence, en région parisienne, Strasbourg et deux à Sophia-Antipolis.
Les données hébergées sur chacun des sites sont « doublées, voire triplées », pour une sécurité optimale. Futurs projets d’implantation : Toulouse, Montpellier, Bordeaux, Annecy et la région de Grenoble. Les accès aux datas centers sont strictement réglementés, et soumis aux contrôles par badges et biométrie.
Outre les éventuels actes de malveillance, « il y a une dimension d’habilitation, car des équipements de très haute tension se trouvent sur site», conclut Magdi Houry. Euclyde Data Centers emploie 25 salariés pour un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros. Deux filiales d’investissement du Crédit Agricole ont récemment pris une part minoritaire au capital, pour financer l’accélération du plan de déploiement en France. L’activité devrait doubler d’ici à 5 ans.
Repères
Maîtrise d’ouvrage : Euclyde Data Centers
Maîtrise d’oeuvre, architecte, chef de chantier et économiste : Dank Architectes (Thibaut Chanut)
Fabricant installateur / menuiseries extérieures : STBN Aluminium (69)
Photos : Dank Architectes